195 pages
Don Endia Éditions
septembre 2015
ISBN : 979-10-93409-01-6
15 €
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CONTRATS
contient trois textes formant triptyque, avec par ordre d'apparition une histoire vraie, une histoire d'amour, une histoire de fou.
Histoire de Colette, c'est une vie condensée en une quarantaine de pages qui retracent la trajectoire lancinante et néanmoins fulgurante de cette Cosette contemporaine, de sa galère étudiante à l'installation en ménage qui précède la maternité. Si Colette tient son prénom d'un célèbre concept store voué au luxe et à la tendance, elle joue de malchance. Son histoire se déroule dans le cadre soigneusement décrit d'une ville moyenne de province, trempée de grisaille et d'ennui, où elle subit pour son humiliation la concurrence de jeunes filles au top, issues de milieux très favorisés. Donc l'enfer ici, peuplé de détails grotesques, est aussi pavé de tragédies quotidiennes. Le naturalisme est percé ça et là de dérivations surnaturelles propres à certains contes, et pourquoi pas à un conte de Noël, dans une période de fin d'année où, au parc municipal, une petite fille gratte une allumette. Colette, elle, va trouver du travail dans un centre commercial, et cela sera le début d'une série d'épisodes plus rocambolesques les uns que les autres, qui précipiteront son destin de lectrice de prospectus.
En parallèle est une balade initiatique, mélodieuse, mélan- colique. Le narrateur est le conteur de son roman personnel. Le jeune homme sort beaucoup en soirées, à la remorque du groupe de rock de ses amis Édouard et Gustave. Il y croise des per- sonnages qui brodent des légendes dorées, celle de l'architecte hédoniste ou encore d'un prince du Golfe aux mille et une nuits transgressives. Et c'est dans cette nuit que le narrateur rencontre l'envoûtante Lou, sœur de Gustave, vedette d'une troupe de danse contemporaine vivant à l'année dans un pays lointain. Sa romance peut commencer, bientôt devenir la fable du candide et de la danseuse qui le condamne à de longues promenades, assoiffé d'attente pour l'éternelle absente. Petit poucet perdu dans un dédale de chemins supposés le conduire à elle, ce néoromantique un peu ridicule va connaître une errance de jeunesse. Toutefois, le rêvasseur éthéré parvient à bifurquer de sa déroute toute tracée. Une nouvelle rencontre, plus surprenante encore, espèce d'incar- nation primitive, lui permet d'entrevoir dans l'expérience de la chair l'issue possible à ses tourments. Avant le retour de Lou ?
IL plonge directement le lecteur dans un huis clos en appartement, un tête-à-tête impitoyable entre un père et son fils en bas âge, car l'épouse et mère travaille beaucoup, rentre tard le soir, juste histoire d'en rajouter une couche sur la tension dramatique. Dans ce conte cruel et cru, aucun prénom n'est mentionné, le pronom il est requis exclusivement pour désigner le père, ce desesperate "houseband" malade semble-t-il à plus d'un titre, soit : ill. De son côté, l'enfant n'est pas en reste, n'est guère plus innocent aux yeux du père, c'est un petit monstre, voire un monstre tout court, une créature de conte fantastique. Dans ce texte grinçant, souvent trivial et sans concession sur notre époque, tout oscille entre cauchemar et réalité, la frontière entre les deux s'avère plus que ténue. Avec son suspense intrinsèque, c'est une descente vertigineuse aux gouffres du mal : jusqu'où ira-t-il, qu'en sera-t-il au bout du compte, au terme du contrat ? On pense à Shining ou à Ils, le film d'horreur quasi éponyme. Pourtant, de façon paradoxale, IL est écrit comme un conte pour enfant, employant un style presque naïf pour narrer l'infamie à distance, comme en passant, du coup, le pire peut arriver tranquillement.
Article de Patrice Maltaverne :
CONTRATS d'Hervé Federspiel est un volume de près de 200 pages, composé de trois nouvelles, intitulées : Histoire de Colette, En parallèle et IL. Chacune de ces trois nouvelles est relative à trois personnes d'âges et de préoccupations différentes, qui se débattent avec leur quotidien. Pour donner une idée de l'ambiance du livre, plus que pour parler d'influence, je citerais les livres de Michel Houellebecq, qui se déroulent dans des horizons communs. En effet, deux des trois personnages de ces Contrats sont obsédés par leur sexualité, du fait bien entendu qu'ils sont aux prises avec leur propre misère sexuelle. Et dans tous les cas, l'amour est souvent escamoté par la vulgarité de la vie quotidienne ou de la sexualité, envisagée de façon clinique. La deuxième nouvelle, intitulée En parallèle, ne me semble pas placée par hasard dans ce livre. car j'ai l'impression qu'elle se déroule en parallèle aux deux autres histoires. Le je renvoie aux elle ou il et peut passer pour signe d'autobiographie, ce qui n'a aucune importance d'ailleurs. Cette nouvelle a l'air aussi de se situer dans le passé, contrairement à l'action des premier et troisième texte. Dans ces trois histoires, il y a un côté décadent très prononcé, la vie des trois personnages semblant être un naufrage progressif, qui se double, dans la deuxième nouvelle, d'une attirance pour les ambiances gothiques, à travers la musique, les ruines et la nuit. N'allez pas croire toutefois que Contrats soit dépourvu d'humour. Par exemple, dans IL, il est question de l'élevage d'un enfant par son père, car c'est bien d'élevage qu'il faut parler, même s'il s'agit d'un cauchemar qui pourrait dégoûter des futurs parents. Cependant, le recours aux objets, leur irruption incongrue, finit par créer comme des effets de gag. Il y a aussi de brusques accélérations de temps qui laissent à penser qu'après tout, les malheurs des personnages principaux sont plutôt bien vécus sur le long terme. Ainsi, contre toute attente, ces raccourcis de vies contribuent à la fois au réalisme des nouvelles et à la singularité de l'approche.
Voici le tout début de Histoire de Colette :
« Chaque matin, Colette se lève à sept heures et quart. La veille, l'étudiante aura réglé son radio-réveil à sept heures, se réservant ainsi un sas en demi-sommeil avant de quitter la tendre tiédeur des draps. Colette ne se lave jamais le matin ni ne se maquille, elle passe en hâte des vêtements pliés sur une chaise et dans ses pieds le chat miaule plus fort s'il le faut afin d'obtenir sa ration. L'odeur de pâtée parvient aux narines de Colette, une farce de troisième choix mélangeant aromates artificiels avec ce qui pourrait être des abats ou des os ».
Enfin, je me suis demandé quelle était la signification du titre du livre : Contrats. Peut-être s'agit-il d'une allusion aux relations humaines, et particulièrement à celles vécues à deux (homme - femme, père - fils) qui relèvent finalement du contrat librement consenti, mais difficile à défaire..
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